Mise en page du blog

During a visit to the new Conservatory of Music, the Mayor of Sète, François Commeinhes, accompanied by the regional Prefect, clarified his cultural ambition, broken down into four large-scale projects:

— Sète in cultural capital letters
The mayor has lifted the mask and the doubt on a large-scale wish: to label Sète national capital of culture. A status awarded every two years and whose designation for 2022 will take place in March 2021.

— A Lightboat spotlight on Brassens
The Roquerols, one of the last post-war lightvessels, will respond this spring to the search light from Brassens fans. Music, conferences, exhibitions and shows will be welcome on board during the poet's birth centenary.

— Une villa Médicette pour les artistes
A beehive where creators can buzz, hair in the wind. The old youth hostel will take on a Spanish feel thanks to the planned cooperation with the Catalan city of Girona.

— Un Miam glouton et avide d’espace
The Musée international des Arts modestes (Miam) in Sète raises its anchor at one end of the Peyrade canal and drops it at the other end, in the magnificent setting of the old Gaffinel cellar, which was barely saved from destruction.


The government site of the French Capital of Culture label:
https://capitale-culture.fr/29-candidatures-au-label-capitale-francaise-de-la-culture
par Jean-Renaud Cuaz 29 oct., 2024
Alain Rizzolo jette lʼancre à Sète en 1970 . Le Provençal né 32 ans plus tôt nʼaura aucun mal à sʼacclimater sur lʼîle singulière. Les origines italiennes de son père ont certainement participé à en faire un Sétois passionné par la vie culturelle de son port dʼattache. Par la vie politique aussi. Ancien attaché parlementaire de Jean Lacombe et adjoint à la culture avec lʼéquipe municipale de François Liberti, sa vie est faite dʼengagements pour sa cité. Un engagement respectueux du travail de ses prédécesseurs. Cʼest sans doute son attachement aux peintres du dimanche et aux théâtres amateurs qui le rend affable et altruiste. Aux premiers, il fournit une salle rue du 11 novembre, les affiches et lʼapéritif des vernissages. Il sʼétait dit que les sportifs du dimanche avaient bien un stade mis à disposition par la mairie. Certes, voir 350 peintres dominicaux exposer à tour de rôle et entendre leur ange gardien les accueillir régulièrement par un discours—brossé à larges touches dʼempathie—devait faire hérisser quelques poils de pinceaux professionnels. Il sʼen moque comme de sa première piquette. Quant aux seconds, les théâtres amateurs, il met à leur disposition le plus beau des écrins, le théâtre de la mer. En charge du financement des associations, il sʼappuiera sur ce formidable levier pour faire naître quelques festivals—Fiesta Latina, Jazz à Sète...—qui allaient mettre Sète sur orbite parmi les grandes destinations musicales. Et cʼest en toute modestie teintée dʼanxiété quʼil porte à bout de bras un projet de musée du même acabit. Approché par Hervé Di Rosa, il doit se faire expliquer le concept dʼart modeste pour ensuite proposer au conseil municipal un musée international logeant une collection de cadeaux Bonux et autres babioles—plus de 700 000 —accumulées par un fou furieux depuis 50 ans. Le MIAM ouvre ses portes dʼancien chai à un car de vétérans qui fondent en larme à la vue de ces reliques chargées dʼhistoires banales, et fera dire à leurs initiateurs quʼils ont gagné haut la main leur pari. La définition de lʼart de vivre selon Alain Rizzolo se résume à écrire et peindre. Pour moi et pour les gens que j’aime. Ils viennent, ils se servent et ils sʼen vont , disait celui qui ne se considère pas écrivain . Il est quelquʼun à qui il arrive dʼécrire . Ses premiers ouvrages et toiles se vendaient déjà très bien lorsquʼil tenait le cordon de la bourse des associations sétoises. Il pouvait en ce temps-là compter sur dʼinnombrables flatteurs dans une ville qui compte autant dʼassociations que de recettes de la macaronade. En 2021 , avec son roman Lʼhomme-phare , Alain Rizzolo donne corps à une promesse faite à un vieux Valrassien. Quarante ans plus tôt, en 1981 , Valras fêtait officiellement ses 50 ans—le port appartenait à Sérignan jusquʼen 1931 —par un film télévisé, Les Mémoires du Temps , dont Alain Rizzolo écrivit les dialogues. Il rencontra, pour ses recherches historiques, un très vieux résident de la cité portuaire qui lʼinvita chez lui. Sur la cheminée, trônait une aussi vétuste lampe tempête qui intrigua le visiteur. Elle appartenait au grand-père italien du vieil homme qui fut heureux de lui raconter son origine. Venu de Cetara, au sud de lʼItalie, en barque à voile avec femme et enfants, il accosta à lʼembouchure de lʼorb pour sʼy établir. À cet endroit, le courant fait régulièrement mouvoir le fond sableux. Pour éviter lʼensablement des bateaux-bœufs et contre une caisse de poissons, lʼItalien ficelait une lampe tempête sur sa tête et avançait lentement devant la proue, en été comme dans lʼobscurité hivernale, pour jauger la profondeur. Une nuit quʼil guidait les pêcheurs malgré une pneumonie, il disparut sous lʼeau. On retrouva plus tard sa lampe tempête. Alain Rizzolo, à qui il est arrivé cette année dʼécrire un recueil de nouvelles, lʼa intitulé Les terrasses de Sperlonga , titre du dernier des sept récits dédié à sa fille Véronique. Le premier suit le vertigineux voyage dʼun galet couleur jour de neige au fil de lʼeau et du temps. Le dernier évoque un autre voyage sur la grande bleue chère à lʼauteur, celui de Leonardo sur sa barque de pêcheur et son escale à Sperlonga, dʼoù il entend, après avoir remis la voile, une voix lui crier : « Étranger ! je tʼai menti... Le plus court chemin dʼun point à un autre, même sur la mer, cʼest pas la ligne droite, cʼest une journée de bonheur ! » Alain Rizzolo est du même tonneau que nos redoutes, sentinelles plantées sur nos rivages, dont la pierre rongée par le sel reste solidement ancrée dans le sable. Un gardien dépositaire de la mémoire du monde, le regard scrutant lʼhorizon. Il me disait, lors de mes visites chez lui, qu’ on ne renie pas les 30 premières années de sa vie . On évoqua la genèse du Chagrin de Minos et sa vie camarguaise, alors âgé de 20 ans. C'est sans doute vrai aussi pour celle du jeune Gaspard de son dernier ouvrage, Le génocide des hannetons . Une belle histoire de quelqu’un à qui il arrive d’écrire mais qui a découvert très tôt le pouvoir de l’écriture. Comme Gaspard… Nous avions convenu récemment de republier ce Chagrin de Minos en français et en provençal à l’occasion des fêtes des Saintes-Maries-de-la-Mer. Une langue et une culture que le plus provençal des Sétois avait chevillées au cœur. J’attendais de recevoir cette version d’un traducteur pour lui montrer la maquette. Dans l’espoir de le faire lire le plus et le plus loin possible. Ce chagrin viendra un jour, après le nôtre.
par Jean-Renaud Cuaz 28 sept., 2024
LES RENDEZ-VOUS CULTURELS MÉRIDIONAUX Rencontrer, voir, lire, écouter et ne rien rater dans les semaines à venir
par Jean-Renaud Cuaz 22 sept., 2024
3e FESTIVAL AGNÈS VARDA - Me revoilà La cinéaste Agnès Varda, décédée — mais pas disparue puisque la revoilà — en 2019 à l’âge de 90 ans, était si vénérée de son vivant que sa dernière décennie fut une longue parade d’honneurs (Saint-Louis 2017), de récompenses (Oscar 2017), d’interviews, de rétrospectives… Non ! Non ! Ça suffit ! Je ne suis pas une religion. Je suis encore vivante ! lançait-elle sur scène, à la bienveillante vindicte populaire. Son père avait breveté en Belgique un type de grue industrielle. Devenu riche, tout l’oppose à sa fille Agnès. D’accord sur rien, elle le frustre, il la déçoit. Sa mère, cependant, pressent une graine de créativité. Elle met en gage un bijou, lorsqu’Agnès manifeste son intérêt pour la photo, et lui achète un Rolleiflex, appareil bi-objectif allemand haut de gamme. C’est l’œil de la photographe qui échafaude les plans de La Pointe courte. Emboîtant les portraits statufiés dans des décors purgés de tout artifice théâtral. Sans trop se soucier des dialogues. Ils seront ajoutés au montage avec l’aide d’Alain Resnais qui prête son matériel. Ses films, à peine scénarisés, s’ils le furent vraiment, comptaient plutôt sur des incidents de parcours pour improviser. C’est dans la photographie que son œuvre de cinéaste et d’artiste visuelle puise son énergie. Une œuvre singulière, à la fois personnelle et ouverte aux autres, certains autres aimait-elle dire. 80 BALAIS Pour ses 80 ans, Agnès Varda reçoit de ses amis… 80 balais et balayettes pour autant de printemps déblayeurs. Elle ne résistera pas à la tentation de se retourner pour filmer son autobiographie et passer des coups de balai sur ses jeunes années. LE BONHEUR EST DANS LA POINTE Premier film en couleur d’Agnès Varda, Le Bonheur fit scandale lors de sa sortie en 1965 et fut interdit aux moins de 18 ans. Il remporte le prix Louis Delluc et ramène du Festival de Berlin l’Ours d’argent. Deux œuvres de Mozart accompagne Le Bonheur . Un choix qu’Agnès Varda justifia en déclarant avoir voulu représenter une certaine idée du bonheur, comme la musique séduisante de Mozart qui pourtant pince le cœur . Un jeu de piste ludique et jubilatoire au goût aigre-doux. Au casting, la famille Drouot (Jean-Claude, Claire, Olivier, Sandrine) et l’exquise Marie-France Boyer. LES RACINES D’AGNÈS Avec Les Créatures (1966), Agnès Varda offre un drame fantastique opposant Michel Piccoli, Catherine Deneuve et une multitude de sources d’inspiration qu’elle s’évertue tout de go à combiner avec talent pour filmer son histoire. Quarante ans plus tard, la cinéaste, devenue artiste visuelle (terme qu’elle préférait à plasticienne), présente une installation, la Cabane du cinéma (initialement nommée La cabane de l’échec , en référence à la sortie du film), à partir de pellicules du tournage des Créatures, dans un effort d’épaissir leur présence dans son œuvre cinématographique. L'installation fait une subtile apparition dans le documentaire Les Plages d'Agnès (2008). Si on ouvrait des gens, on trouverait des paysages. Si on m'ouvrait moi, on trouverait des plages , raconte Agnès Varda dans la première partie du film autobiographique, en médecin légiste imaginaire. Le scalpel qu’elle manie avec talent nous fait découvrir ses thèmes de prédilection, la mer, ses rivages et la confrontation de l’image fixe avec l’image mobile. Pour ce long métrage tourné entre août 2006 et juin 2008, Agnès redécouvre sa maison natale d’Ixelles et recrée à Sète la maison flottante familiale. Elle arpente la plage de la Corniche et de Noirmoutier, celles de la Belgique natale, Knokke-le-Zoute et La Panne, jusqu’à Los Angeles. Poussant le bouchon plus loin, elle alla jusqu’à créer chez elle, rue Daguerre, une Daguerre-Plage entre sa maison de production Ciné-Tamaris et la salle de montage, déversant 6 bennes de sable fin sur le bitume. Après le générique de fin, dans l’esprit Attendez, ne partez pas ! Agnès ajouta une scène non prévue : on y voit son équipe lui fêter ses 80 ans. Une séquence montée avec quelques plans volés aux copains et avec leurs photos , confiait l’éternelle glaneuse. FESTIVAL AGNÈS VARDA – 3e ÉDITION DU 19 AU 22 SEPT. 2024 EXPO PHOTOS de 14h à 19h Traverse des Pêcheurs de la Pointe Courte
par Jean-Renaud Cuaz 29 août, 2024
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par Jean-Renaud Cuaz 27 août, 2024
ALAIN ROLLAT, UN TRUBLION DU QUOTIDIEN Le Monde a été autrefois le journal de bord de ce chroniqueur au long cours. Abreuvant les nobles colonnes de brèves ses premières années, le jeune Rollat se fera bientôt un nom de journaliste politique par des billets parfois décalés, toujours bien sentis. Ses origines rurales, recherchées par le quotidien pour trancher avec les salonniers parisiens courant les mondanités, ont sans doute heurté les hordes de hauts fonctionnaires abonnés à ces lectures feutrées, dans d’obscurs bureaux haussmanniens. Que d’autres feuillettent de manière oblique pour connaître leurs ennemis. Il approchera les plus grands de la politique, les plus machiavéliques, les plus controversés. Allant jusqu’à se fendre de quelques biographies sans s’éloigner de son pré carré. Dans les pages du journal de la rue des Italiens , fondé à l’ombre du pouvoir au lendemain de la guerre par un directeur parachuté par l’Élysée, l’élite parisienne trouve rapidement ses repères. Quand Rollat arrive, c’est un quotidien du soir épaissi qui a gagné son indépendance entre deux perfusions pour ne pas couler avec ses rotatives, comme d’autres journaux. Pourquoi chercher outre-Atlantique un modèle jamais démenti de rigueur et de qualité, le New York Times pour ne pas le titrer, quand ici on a sous la main — noircie de proses sirupeuses à vous ouvrir les veines — de quoi refaire le Monde tous les 10 ans. Pour notre petit bonheur, Alain Rollat s’est lâché en anecdotes fumantes, sur l’avant et l’après 1981, la montée du Front National là où la gauche régnait en maîtresse absolue. Car seul le FN faisait rêver , nous dit-il, les dents serrées… Maigre consolation, son village, aux dernières élections a résisté à la vague brune. Sans doute le fief des derniers non-rêveurs… Dommage qu’aucun journaliste de notre PQR ne soit présent ce matin au bar du Plateau. Nos pisse-coquilles auraient eu l’oreille attentive pour un ancien confrère qui, ne sachant quoi relater en plein Mondial 1998, osa interviewer un ballon de football pour un billet à rendre le lendemain matin 7h30. Mémoires du Centre du Monde Alain Rollat Cap Bear Éditions Mars 2024 - 260 pages - 18 €
par Jean-Renaud Cuaz 27 août, 2024
LA MÉMOIRE EN CHEMIN Elle forge et grave notre identité collective à coups de désastres humanitaires à n’en plus finir. Des conflits jusqu’aux portes de l’Europe impriment cette mémoire au cas où nous serions en manque de commémoration. Une consolation, jetée en pitance, nous fera dire que si la Belgique n’avait pas été envahie dès les premiers jours, la Wehrmarcht n’aurait pas poussé la famille Varda à quitter son plat pays. Pour venir s’échouer à Sète et nous offrir Agnès, petit bout de femme devenue icône de la Nouvelle vague et de la Pointe Courte. Et si Elvira Brassens n’avait perdu son premier mari fauché dans les tranchées de la Der des Ders, elle n’aurait pas épousé en seconde noce Louis Brassens. Et n’aurait pas enfanté le poète turlupin que nous vénérons. Nous n’allons certes pas crier vive la guerre… Ce serait incongru pour ce chemin de mémoire. Un éphémère témoignage, le temps de supplanter celui créé au fil des ans par des plaques de rue et de quai aux noms de résistants. Jean-Marie Barrat, François Maillol, Maurice Tarbouriech… On aimerait ajouter sous ce mot Résistant, imprimé sous leur nom, quelques images ou quelques mots. Résistant fait un peu court. Pour Louis Roustan, fauché dans sa jeune vie, qui donna son nom à un foyer de cette Pointe courte, non pour avoir jeté à l’eau des jouteurs mais pour avoir refusé qu’on lui impose une mémoire nazie.
par Jean-Renaud Cuaz 26 juil., 2024
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par Laurent Cachard 29 juin, 2024
André Cervera 62 ans, toujours partant pour voir là-bas s’il y est. Heureusement que cet amateur de Tintin a échappé à un Didi frappé du Rajaijah Juice dans une échoppe de Shanghai, sinon il aurait trouvé et Lao-Tseu et sa vérité, mais perdu la tête, et nous n’aurions pas profité de l’œuvre atypique et évolutive d’un homme plus que quiconque déterminé par les phénomènes qu’une vie réserve, quand on y prend garde. Ainsi suffit-il, parfois, quand on naît à Sète, d’être du quartier des 4 ponts, au plus près des navigateurs — Quai de la République — pour plonger dans le bain tout de suite, et sans jeu de mots. Gamins, dit-il, ils entraient dans le Port , se baignaient dans le Canal, sur la plage du Kursaal — il ne découvrira qu’à 13 ans la plage à la Corniche — regardaient avec envie les destinations de ces navires, Dakar, Valparaiso ( Pom pom pom pom pom, Pom pom pom pom pom ! ), les grues, les troncs énormes à la circonférence trois fois plus grande qu’eux . Eux, ils, c’est, dans le désordre, Éric Delort, Théo Villegas, Mustapha Cheik, Mohammed Saïd, Gilles Bresson, les frères Deltour, les Ferrera… Il en oublie forcément mais se souvient de cette identité de quartier, des familles, d’une maman qui emmenait tous les minots pour la journée. Des fêtes de ces mêmes quartiers, les bagarres qui allaient avec. D’une identité multiple, entre Espagnols, Catalans, Italiens, Marocains, Portugais… qui lui donnèrent très vite le goût de l’autre et de l’ailleurs, à ce fils de Républicain espagnol arrivé en 1939. Invalide, mais donnant toujours le coup de main, ici et là, et dans l’épicerie que tenait sa Maman, rue Fondère. Il est le dernier de sept enfants, aura connu quatre déménagements dans la même zone, dans ce qu’on appelait alors le Petit Chicago voire, pour la rue de Tunis elle-même, la rue de l’égorgeoir . Une zone aux 25 bars —  du genre assommoir ou à hôtesses  —  l’Escale, le Crabe, l’Eldorado … Il était petit mais s’en souvient parfaitement, comme il se souvient de ses écoles — Lakanal et Victor Hugo, de son lycée Joliot-Curie — de son Bac en sciences économiques, d’une année aux Beaux-Arts de Sète, deux à Marseille d’où ils — avec Aldo Biascamano —  ils sont remerciés pour avoir fait les cons, vraisemblablement. C’est le plus beau cadeau qu’ils aient pu leur faire , selon lui. Il en aura gardé l’enseignement de Max Charvolen, oscille entre Paris et Sète, où une histoire d’amour le ramène, tâtonne et voit une première galerie parisienne s’intéresser à lui. On est au tout début des 90’s et s’il en garde un souvenir mitigé, il sait que ce début de reconnaissance lui ouvre les portes de l’ailleurs. Fuir. Là-bas, fuir : un peu de Mallarmé, ça colle bien au personnage, sans excès de métaphysique : au Sénégal, où il se prend son premier vrai choc culturel, ça ne pardonnerait pas. La réalité des destinations qu’il voyait enfant l’attrape au cœur, les récits des aînés, les films de Jean Rouch — de Au Pays des mages noirs jusqu’à Cocorico, Monsieur Poulet  — prennent corps. L'animisme, le chamanisme — la médiation entre êtres humains et forces spirituelles (esprits de la nature, âmes des animaux sauvages, ancêtres…), psychopompes auprès des divinités — l’interpellent et ne le quitteront plus. À peine rentré, Hervé Di Rosa, un de ses grands-frères , qui a déjà exposé à Sarajevo, le parraine — avec l’association Équilibres — pour aller en résidence à Pakracs, sur le lieu originel du conflit serbo-croate, là où cohabitaient, encore, juste avant, des Serbes, des Croates et des Monténégrins. Il arrive dans des villes décharnées —  aucun son, aucun oiseau, une lourdeur permanente  — offre un triptyque à la ville ( Hier / Aujourd’hui / Demain ). On est en 1994, en février, un obus de mortier sur un marché de Sarajevo a fait 68 morts, on massacrera bientôt du Tutsi à la machette, ailleurs, mais lui, André, célèbre la paix avec des artistes (français et croates), sait qu’il lui faudra parcourir le monde pour savoir qui il est. Depuis 30 ans, l’adage ne s’est pas démenti : les voyages forment la jeunesse , et ça n’est pas un sexagénaire qui vous reçoit dans son bel atelier — l’ancienne demeure d’un vigneron, avec chais, tonneaux et pressoir d’époque — de Poussan, mais un encore jeune homme filiforme, au débit saccadé, qui énumère les destinations qu’il a connues : l’Afrique sub-saharienne, l’Inde à plusieurs occasions, la Chine, entre Pékin, Shanghai — dans le hutong , où il voit les petits métiers (barbiers, cireurs…) disparaître et l’État faire illusion  — mais surtout dans les campagnes où, entre les Dong et les Miao, après 40 h de train, 10 h de taxi-brousse et 4 h de marche, il assiste à des cérémonies animistes, s’initie à la culture des masques qu’on retrouve partout dans ses œuvres. En tout, il aura passé 5 ans au Pays du Soleil levant, sans doute y retournera-il. Avec Léo, son fils de 30 ans, qu’il a emmené avec lui à Pondicherry vivre pendant six mois quand il n’en avait que 12, avec qui ils se sont retrouvés à Kolkata — vieille promesse paternelle — quand il en a eu 25 et qui vit maintenant, lui aussi, une existence de voyageur. Un vrai, toujours sur la base de projets , d’intégration d’artistes locaux : pour ça, il faut des moyens, taper aux portes, se démener . Accepter de partir séance tenante, parfois, avec Crystel, sa femme et leur fils. Sa chance, il l’a provoquée , et son œuvre, c’est une combinaison des influences qu’il a rencontrées. Entre toiles, performances ou usage du papier —  le vrai, de là où on l’a inventé  — il dessine, assimile les références et les restitue dans un imaginaire structuré dans sa construction, libre dans l’interprétation. Des tissus de différentes époques et civilisations se croiseront sans qu’on se demande si ça a du sens, puisque ça en a un, universel : les vêtements brochés, les paternes, les motifs mythologiques qu’il recycle n’ont qu’une fonction, dire l’état du monde, soi face son état , plus exactement, mettre du Beau là où il en manque. Sa cuisine personnelle de peintre-voyageur va vers ça, la métaphore d’un monde qui se transforme , la catharsis nécessaire pour se dépasser et, volontairement, être dépassé par ce qu’on crée. Faire le pas de côté nécessaire à la spontanéité face au protocole. En 2003, il a réinventé le voyage immobile  — plus Neruda que Giono, pour le coup — en générant un Mexique imaginaire, inspiré par la fête des Morts et les films qui l’ont marqué, ¡ Que viva México ! long-métrage inachevé de Sergueï Eisenstein, Los olvidados , de Luis Buñuel, dont Octavio Paz écrivit que le poids de la réalité qu'il nous montre est si atroce qu'il finit par paraître impossible, insupportable. Et c'est ainsi : la réalité est insupportable ; et pour cette raison, parce qu'il ne le supporte pas, l'homme tue et meurt, aime et crée . Il s’est créé son Mexique, André Cervera, est prêt à y aller, maintenant, quand il sera temps, si la folie des hommes le permet et si Claudia Sheinbaum reste en vie suffisamment longtemps… Sinon, il enterre des toiles — montées sur châssis, disposées horizontalement — soumises aux éléments de la nature, à la merci du vent et du vivant . Sa façon d’envisager, quand il les déterre ( archéologue de lui-même , écrit joliment Pierre Tilman, à ce propos) quelle marque la nature aura laissée sur l’art(ifice). Histoire d’enterrer avec toute marque de prétention, puisque rien ne résiste à rien si l’on considère la cicatrice du temps . Comment représenter le temps, l’arrêter un instant (perdu ou retrouvé), c’est ce qui meut n’importe quel artiste. On n’en avait encore jamais vu un confronter son œuvre à sa propre destruction, puis la retravailler à partir des outrages subis. On ne s’étonne pas de son succès, on s’en réjouit même, parce qu’il n’a pas présidé à son travail. Quand il revient à Sète, AC, il trouve la ville transformée mais ne peut que se réjouir des nouvelles arrivées, des nouvelles énergies : c’est dans sa continuité , souffle-t-il, un œil sur le gamin qui rêvait dans le port. Il cite Geneviève Breerette, une critique d’art installée récemment dans l’île singulière, son copain Tony Truant, s’amuse des têtes de c… qui veulent Sète mais pas les Sétois comme des Sétois qui veulent Sète pour eux tout seuls. N’a plus trop de lieux cultes mais se réjouit, toujours, de revoir le théâtre de la Mer, le Barbu. Et ne manquerait pour rien au monde, sauf à être à son autre bout, une édition de la St-Louis. Minot, encore, il se levait aux aurores pour être bien placé dans la tribune d’en face. Là, il est à la tribune officielle, en a fait l’affiche il y a quelques années. Il est le premier à sourire d’une telle réussite sociale, mais dans sa ville, ça a du sens, là aussi. Il sait que chez les Sétois plus qu’ailleurs, il y a les casaniers et les globe-trotters, ça dépend de la nature de chacun . Lui est parti si souvent qu’il ne peut que se réjouir de revenir et constater que certaines choses, au moins, n’ont pas bougé d’un iota. C’est la logique de la tintaine : la seule qui soit inexplicable en soi . LC
par Jean-Renaud Cuaz 27 juin, 2024
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par Laurent Cachard 13 mai, 2024
Delphine Le Sausse 49 ans, Übermensch d’une confondante normalité. Elle sera la dernière — avec Simon Caselli — à porter la flamme olympique à son entrée dans la ville de Sète, et Delphine Le Sausse sait à quoi elle doit ce privilège : à son irrépressible désir d’aller plus vite, plus haut, plus fort , la devise — vidée de sa valeur métaphysique — des JO depuis ceux de Paris, en 1924. Cent ans plus tard, sûr qu’elle aura une pensée forte pour son grand-père maternel, Raphaël Scialo, le prof de sport du lycée Paul Valéry qui, le jour de sa retraite, a monté et descendu les marches sur les mains ! Sa fille, Mireille, a suivi son Bernard dans l’arrière-pays niçois, à Lantosque : il suffit de dire qu’il y tenait une pharmacie pour déterminer les deux atavismes de la vie de Delphine, laquelle se montre brillante quand il s’agit de démarrer une scolarité à Sète, puisque le couple y a élu domicile au moment où il a fallu se rapprocher du grandpère, désormais veuf. Elle fait les écoles Langevin puis St-Joseph, met un point d’honneur à ramener à l’aïeul les meilleures notes en sport . Il lui répond, inlassablement, oui, mais tu as eu combien, en maths , et elle jubile, parce qu’elle excelle, aussi. Ses parents refusent le sport-études en 6e — ça n’est pas un métier, sportif — elle obtient un Bac scientifique avec un an d’avance et si Mme Monterro la rêve en Maths Sup / Maths Spé, elle oscille (pas longtemps) entre l’UREPS et pharma’, choisit la seconde option et fait bien : elle sera la plus jeune Thésée de France, sans vaincre de Minotaure mais en oeuvrant sur le Botrops Lanceloatus , ce serpent mortel de la Martinique, où elle a passé six mois. Ça sera un peu tout pour l’insouciance — si on ose dire — parce que l’apothicaire du 1, rue Henri Barbusse est malade et décède brutalement quand elle a 23 ans. Elle se retrouve, quand ses copains de Montpellier font des remplacements dans des officines exotiques à reprendre la boutique , avec des fournisseurs qui ne suivent pas, des clients qui ne veulent pas qu’une jeunette les prenne en charge. Elle aurait préféré ne pas avoir de pharmacie et garder son père , doit gérer le rapport à sa mère qui, bien que sans diplôme, a su gardé des parts dans l’affaire, trouve (encore) à s’échapper en faisant du sport, beaucoup de sport. Avec une prédilection pour le ski. À Font-Romeu, où la famille a un pied-à-terre. Elle se débrouille (euphémisme) — la meilleure de ceux qui n’ont pas fait Sport-Études — veut passer le Brevet d’État de moniteur de ski, comme son compagnon de l’époque. Elle s’en souvient, c’était l’année de l’affaire Cantat (ou Trintignant, c’est selon) et quelque chose aurait dû lui mettre la puce à l’oreille. Cet homme, dont elle est amoureuse, est pervers, narcissique, la pousse à se mettre en danger là où elle, toujours, craint qu’il ne se fasse mal. Des amis l’ont avertie, elle a du mal à cacher les marques qu’il lui laisse lors de ses accès de colère, mais ce jour-là, en hors-piste, elle va prendre une mauvaise décision, pour lui montrer qu’il avait tort . Elle va y aller, tout droit entre les rochers, se faire mal, sans doute , il comprendra. Las, on n’anticipe jamais la phénoménologie et certaines directions prises, en un millième de seconde, déterminent tout ce qui va suivre, une vie entière, parfois. Ses deux skis se sont arrêtés net, elle a une vertèbre éclatée, la moëlle épinière touchée. Les secours sont longs et difficiles, le diagnostic tarde, elle est hélitreuillée à Perpignan, ramenée en rééducation à Montpellier, où elle aperçoit une enseigne : Propara Clinique , spécialisée pour les paraplégiques. Vous ne remarcherez pas , lui diton. Elle se prend une grosse claque , refuse les visites au centre, dans un premier temps, passe un mois sans bouger, voit sa vie se déliter , l’autre venir lui reprocher de ne pas avoir fait attention. C’est vrai, elle a tout, un bon métier, elle est jolie, elle a plein d’amis etc . Dont des pharmaciens qui vont l’aider — aux commandes, à la caisse — le temps de son indisponibilité. Les mots des clients laissés sur un grand cahier l’aident à reprendre confiance — son talon d’Achille, par fait contrepoids de sa réussite — elle se bat, chez le kiné tous les jours, reprend en fauteuil, puis en béquilles, déteste qu’on la voie comme une handicapée. Un dernier accès de lucidité la pousse à se défaire — plainte à l’appui — de son âme damnée. Elle ne peut plus revenir en arrière , à 28 ans, donc va de l’avant : ce pourrait être une devise shadock, mais c’est comme ça qu’elle se reconstruit, Delphine. Redébute , avec l’infantilisation qui va avec, va nager, réapprend à skier en fauteuil jusqu’à l’Équipe de France paralympique, en 2010. C’est le regard de l’autre qui définit le handicap, parce que la logique de l’émulation et de la performance est la même, qu’on soit valide ou pas. Ce qui ne veut rien dire, de surcroît, parce qu’un sportif invalide sera toujours plus résistant et performant qu’un valide qui ne teste pas ses limites. Il y aurait quelque chose à creuser, psychanalytiquement, chez cette jeune femme remarquable qui va chercher des astres noirs pour se mettre en danger : la perte de ses (re)pères, le besoin d’affection . L’idée, saugrenue, que personne ne voudra d’elle , même si elle a tout. Une dépréciation permanente, que n’aide pas l’idée qu’elle ne pourra plus, maintenant, aller courir, ou servir les verres à la Ola, chez son ami Claude Herzog. Mais les épreuves ont ceci de fondateur qu’elles aident à accepter des paliers. Elle aura d’autres histoires compliquées, jusqu’à ce qu’apparaisse David Guérin, dans sa vie. Lui n’est pas d’ici — c'est un Montpelliérain exilé au Puy — ils se complètent parce qu’elle ne s’est jamais vraiment remise du départ de son inséparable copine de classe, Caroline Skalli, avec qui elle partageait tant, au-dessus de la Butte ronde, qu’elle en a laissé passer les autres. C’est difficile de s’intégrer à Sète , lâche-t-elle, elle qui y est arrivée à… deux ans et demi. Mais qui n’a ni jouteur, ni pêcheur, ni mareyeur dans sa famille. Elle aime sa ville — qui s’embellit, mais grossit trop — elle a, comme elle, du caractère, une histoire particulière, de ruptures et de continuité : après tout, même après l’accident — le Συμβεβηκός*, en philosophie ce qui appartient à une substance de façon non nécessaire, qui n’existe pas par soi — elle a la fierté de (quasiment) tout faire comme avant. Le même métier, le même sport. Elle a les mêmes amis, sans doute soulagés de l’avoir vue renaître, même avec des béquilles. C’est Rose, née en 2015, qui l’a aidée à accepter le fauteuil, quand elle en a besoin. Élue municipale — pour un mandat, seulement ! — elle ne se souvient pas avoir brillé au stationnement et à la circulation, mais n’a pas lâché le morceau quant à l’accessibilité. Elle n’était déjà plus au conseil quand François Commeinhes l’a invitée à inaugurer l’ascenseur en lui glissant : c’est grâce à vous . Le comité olympique doit décider de l’ordre de passage des porteurs de la flamme, mais il est quasiment acquis qu’elle sera la dernière à la mener dans l’île singulière. Comme un juste retour des choses. Pas de revanche sur le sort, puisque celuici n’a (jamais) rien volé ; mais sur une sélection qu’elle aurait pu (dû ?) connaître à Vancouver, en 2010, si elle avait été plus avertie des conditions de lobbying entourant les choix des fédérations. 4 ans d’entrainement pour finir à la roulette russe , très peu pour elle, alors elle s’éclate, en ski nautique — 16 fois championne du monde quand même ! — ou sur les pistes, figures libres ou imposées. Va voir Rose s’illustrer dans des compétitions de skate-board : les histoires familiales, même chaotiques, sont faites de redites et de recommencements. Elle évolue sur certaines choses , prend conscience de celles qu’elle ne pourra pas faire. Mais c’est le lot de chacun de renoncer (un peu) au fur et à mesure que l’âge avance. Elle atteindra la cinquantaine l’année prochaine, a passé la moitié de sa vie dans la pharmacie — même si l’époque flaubertienne des notables a disparu — mais ne s’est jamais ennuyée, et pour cause : elle a plus vécu que si elle avait mille ans. Et ne manquera pas de se lancer de nouveaux défis, puisqu’il est acquis, en sport comme dans la vie, que c’est toujours en envisageant le plus loin qu’on arrive à avancer. Elle ne fera pas le Mont-Blanc comme Jean-Yves le Meur, dont Faux-Pas (Glénat, 2007) raconte comment il a gravi le sommet, béquilles aux poings, appuyé sur une seule prothèse. Mais elle ne le fera pas parce qu’elle ne juge pas nécessaire de le faire ; sinon, elle s’y attèlerait et, au vu du pourcentage de ce qu’elle a réussi dans sa vie — et de ce qu’elle a raté — y parviendrait sans nul doute. Une fois qu’on sait ce que donne de mal appréhender la chute , on fait ce qu’il faut pour l’éviter. Tomber sept fois pour se relever huit, disent les Japonais. Ça tombe bien, elle en est à Sète. Pile. LC *symbebèkos
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