Il y a chez Laurent Cachard à la fois le sang chaud
du Canut et froid du caméléon.
Un
canuléon, mot-baluchon
pour un gourmand de l’écrit, qui s’adapte à son environnement, s’y confondant
sans pour autant se confondre en excuse pour sa propre singularité. Un caractère
qu’il ne sera pas malaisé de lire en filigrane des portraits qu’il fait de sa famille et de
ses rencontres : il n’est pas nécessaire d’écrire sur soi pour parler de soi.
Cent portraits composent cet album de (grande) famille élargie, pour former une
comédie humaine de ces vingt dernières années. Laurent Cachard explore avec
talent sur cent pages — et un supplément sur l’art de la revisite — la nostalgie des
lectures et des souvenirs partagés, pratique d’allègre façon et jamais superfétatoire
le
name dropping, le saupoudrage de noms, comme celui des jargons (musical,
littéraire, sétois…), distillés à point nommé. Sa propension à
tirer le portrait
vous
fera redouter de croiser son chemin. Ne vous offusquez pas, l’oncle saltimbanque
est
tout en hospitalité, laissant traîner chez lui d’improbables instruments de musique
pour mieux retenir des visiteurs troubadours.
Et s’il parvient avec brio à faire voisiner une girafe lymphatique avec Alceste, le
vieux misanthrope, et Célimène, l’auteur cultive également
les boutades élitistes :
« Contre les mauvaises odeurs, proposer de remplacer la fosse septique par un vrai
Leibnizien fait sourire le philosophe, pas le pisciniste », pour plus loin, et par une
pirouette, s’en excuser, ou pas.
Jean-Renaud Cuaz