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LES RENDEZ-VOUS CULTURELS MÉRIDIONAUX
Rencontrer, voir, lire, écouter et ne rien rater dans les semaines à venir

Les Journées Paul Valéry

Paul Valéry et la génération surréaliste
13e édition 5 et 6 octobre 2024

Musée Paul Valéry à Sète


«Ai-je été assez dada !» s’exclamait le poète, moins classique, plus transgressif qu’il n’y paraît. C’est l’objet d’une conférence parmi d’autres, sur celui qui fascina le jeune André Breton, âgé de 18 ans quand il le rencontra. Son “Rimbaud” avait tourné le dos à la muse poétique depuis plus de vingt ans avant de le trahir pour une Jeune Parque


Téléchargez le programme des conférences, discussions, lectures musicales, expositions


Musée Paul Valéry

148 rue François Desnoyer, Sète

Tisser l’imaginaire

Du 19 octobre au 9 mars

Musée de Lodève


Le musée de Lodève a su tisser des liens serrés avec sa voisine, la Savonnerie, unique annexe de la Manufacture nationale de tapis. L’exposition explore la notion d’Imaginaires dans l’art de la tapisserie. De Charles Lebrun (XVIIe siècle) aux contemporains Roberto Matta, Jana Sterback, Nathalie Junod-Ponsard en passant par André Masson (photo), Derain, Léger, Lurçat… l’imaginaire prend la forme tissée de contes, récits mythologiques, paysages oniriques, abstractions énigmatiques.


Ouvert tous les jours sauf le lundi

10h30-13h et 14h-18h

Billetterie en ligne


Musée de Lodève

Square Georges Auric

Exposition Ludovic Murano

Jusqu’au 7 octobre

La Cave à Manger à Sète


Un Morano profite de se faire un prénom pour récupérer un nom écorché par l’état-civil de son arrière grand-père. Sous son nom d’artiste Vinny Murano, Ludovic, fils du peintre sétois Eddie Morano, entre de plein-pied sur la scène artistique sétoise avec des œuvres accrochées à la Cave à Manger, un caviste expert en vin biodynamique. Ça tombe bien, ses tableaux sont comme des bouteilles à la mer, reflétant des souvenirs de toutes natures. Une expression entre art brute et figuration libre, tantôt expressionniste, toujours sincère. In Murano Veritas…


La Cave à Manger

4 rue Gaston Escarguel, Sète

Balades vigneronnes

Samedis 5 et 12 octobre

Mas de Daumas Gassac à Aniane


Le Mas de Daumas Gassac renouvèle cette année les traditionnelles balades vigneronnes de son vignoble et ouvre ses portes pour offrir une communion entre nature, découverte et convivialité. L’occasion de (re)découvrir un trésor de la vallée du Gassac. Un rendez-vous pour les amateurs de vins qui s’achèvera par un déjeuner accompagné de grands crus. Places limitées ! Début à 9h30 pour une fin de déjeuner assis vers 14h30.


Billetterie en ligne

Contact : 07 85 97 71 20 / communication@daumas-gassac.com

www.daumas-gassac.com


Mas de Daumas Gassac

Haute Vallée du Gassac, Aniane

Journées des Ateliers d’Artistes d’Occitanie

Samedi 19 et dimanche 20 octobre

279 communes d’Occitanie


Découvrez les Journées des Ateliers d’Artistes d’Occitanie, organisées par la Région. Pour la 7e année consécutive, plasticiens, sculpteurs, peintres, dessinateurs, vidéastes, photographes, graffeurs ouvrent les portes de leurs ateliers pour dévoiler leur métier et leurs univers.


Entrée libre et gratuite

688 artistes participent à l’édition 2024

565 ateliers et résidences d’artistes sont à découvrir

279 communes accueillent l’opération


Découvrez les artistes participants à l’édition 2024

Concert Halloween
Jeudi 31 octobre à 17h

Dark Halloween – What the Fest ?! 

Jeudi 31 octobre à 20h

Opéra Comédie à Montpellier


Une flopée de tubes classiques pour tous les goûts déferlent pour ce Concert Halloween. Les sorcières d’Harry Potter vous invitent à venir déguisés, accompagnées du Docteur Faust et du Diable en personne. Psychose garantie…

Les éditions 2022 et 2023 du Dark Halloween s’étaient produites à guichet cadenassé. 2024 s’annonce forcément vampirique. Les créatures de la nuit offriront aux moins perclus dégustations d’insectes, philtres et potions magiques.


Prévoir d'arriver au moins 30 mn avant le début des pétoches

Billetterie Opéra Comédie : place de la Comédie

du mardi au samedi 10h-13h et 14h-18h

Billetterie en ligne


Opéra Comédie

Place de la Comédie, Montpellier

Sur le chemin des glaces

Du 9 au 16 octobre

Théâtre des 13 Vents à Montpellier


En 1974, du 23 novembre au 14 décembre, le cinéaste allemand Werner Herzog, 82 ans aujourd’hui, s’en alla à pied de Munich à Paris. Il se rendait le plus simplement au chevet de Lotte Eisner, la grande historienne et critique de cinéma française d’origine berlinoise, qui avait fui les persécutions nazies en 1933. Craignant de la trouver au plus mal dans un hôpital parisien, Herzog marchait pour conjurer le sort, affirmant qu'il ne peut y avoir de cinéma allemand sans elle. Eisner guérit et vivra encore neuf ans. Herzog a publié le journal de son voyage en 1978 sous le titre Sur le chemin des glaces. Cinquante ans après, le metteur en scène Bruno Geslin fit de même en hiver 2023, pour un spectacle immersif de ce périple explorateur.


Mercredi 9 octobre à 20h

Jeudi 10 octobre à 19h suivi d’une rencontre avec l’équipe artistique

Vendredi 11 octobre à 20h

Mardi 15 octobre à 20h

Mercredi 16 octobre à 20h

Durée 1h30 sous réserve

Réservations


Théâtre des 13 Vents 

Avenue Albert Einstein, Montpellier

Hommage à Joseph-Pascal Repetto

Jusqu’au 3 novembre

Musée de la Mer à Sète


Une exposition exceptionnelle de la collection privée de la famille Repetto. Construites par le maître charpentier de marine Joseph-Pascal Repetto (1886-1982), ces maquettes de bateaux furent primées au concours des Meilleurs Ouvriers de france en 1936, 1939 et 1949. Les Amis du Musée de la Mer de Sète présentent la collection d’un ancien charpentier de marine bien connu dans le quartier de la Plagette et au-delà de nos frontières. Précurseur et inventeur de génie, il construisit en 1922 un canot de sauvetage amphibie. Puis un système de berceau pour tirer les bateaux à terre, dont il fit profiter ses collègues charpentiers de marine.


Du lundi au dimanche 10h-18h

Fermé le mardi

Contact 04 99 04 70 00


Musée de la Mer

1 rue Jean Vilar, Sète

Ma vigne en musique

Jusqu’au 12 octobre

Narbonne et alentours


Après une première partie en juin, place à l’acte II du 8e Festival Ma Vigne en Musique avec une programmation de haute qualité à vivre sur le territoire narbonnais.


Vendredi 11 octobre : Alice au pays des merveilles, avec Florent Nagel (compositeur en résidence) et Bona Song, tous deux au piano, et le comédien Yves Penay

Samedi 12 octobre : soirée de clôture avec l’Orchestre de Chambre de Toulouse (direction Gilles Colliard), Cyril Guillotin et Florent Nagel au piano. Au programme, la création mondiale de l’œuvre commandée à Florent Nagel pour piano et orchestre.


Contact 07 63 18 52 45

narbonne-classic-festival.fr

Jean-Luc Favéro Supernature

Jusqu’au 1er décembre

Maison des Consuls aux Matelles


Après avoir eu vent de la catastrophe de Fukushima et croisé un cerf mort lors d’une promenade forestière, Jean-Luc Favéro se pose la question, somme toute partagée, d’une nature altérée. Mais cet examen de conscience sera, pour lui, fécond et créatif, à force de dessins au brou de noix et à la cambrousse. Il conjure le sort et redonne vie à son cher cerf en le transfigurant : l’œuvre fera forte impression à l’Espace culturel Louis Vuitton en 2014. Elle occupe, à la Maison des Consuls, un espace entièrement dédié. Cuirassée de métal grillagé, elle projette à la fois grandeur, grâce et délicatesse. Nature et peintures animent un second espace, exposant ses portraits d’arbres nervurés et ses vues du pic Saint-Loup. La troisième partie ne vient pas contredire l’amour de l’artiste pour les animaux, avec ces chevaux blancs sur fond noir et une monumentale sculpture martelée sur de la tôle de récupération.


Tous les jours d’août 10h-13h et 14h-19h

À partir de septembre du mercredi au dimanche 14h-17h

Contact 04 99 63 25 46


Maison des Consuls

Rue des Consul, Les Matelles

Photo : lancement d’un voilier au chantier Scotto & Repetto de la Plagette

Directeur de la publication : Jean-Renaud Cuaz
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par Jean-Renaud Cuaz 28 sept., 2024
LES RENDEZ-VOUS CULTURELS MÉRIDIONAUX Rencontrer, voir, lire, écouter et ne rien rater dans les semaines à venir
par Jean-Renaud Cuaz 22 sept., 2024
3e FESTIVAL AGNÈS VARDA - Me revoilà La cinéaste Agnès Varda, décédée — mais pas disparue puisque la revoilà — en 2019 à l’âge de 90 ans, était si vénérée de son vivant que sa dernière décennie fut une longue parade d’honneurs (Saint-Louis 2017), de récompenses (Oscar 2017), d’interviews, de rétrospectives… Non ! Non ! Ça suffit ! Je ne suis pas une religion. Je suis encore vivante ! lançait-elle sur scène, à la bienveillante vindicte populaire. Son père avait breveté en Belgique un type de grue industrielle. Devenu riche, tout l’oppose à sa fille Agnès. D’accord sur rien, elle le frustre, il la déçoit. Sa mère, cependant, pressent une graine de créativité. Elle met en gage un bijou, lorsqu’Agnès manifeste son intérêt pour la photo, et lui achète un Rolleiflex, appareil bi-objectif allemand haut de gamme. C’est l’œil de la photographe qui échafaude les plans de La Pointe courte. Emboîtant les portraits statufiés dans des décors purgés de tout artifice théâtral. Sans trop se soucier des dialogues. Ils seront ajoutés au montage avec l’aide d’Alain Resnais qui prête son matériel. Ses films, à peine scénarisés, s’ils le furent vraiment, comptaient plutôt sur des incidents de parcours pour improviser. C’est dans la photographie que son œuvre de cinéaste et d’artiste visuelle puise son énergie. Une œuvre singulière, à la fois personnelle et ouverte aux autres, certains autres aimait-elle dire. 80 BALAIS Pour ses 80 ans, Agnès Varda reçoit de ses amis… 80 balais et balayettes pour autant de printemps déblayeurs. Elle ne résistera pas à la tentation de se retourner pour filmer son autobiographie et passer des coups de balai sur ses jeunes années. LE BONHEUR EST DANS LA POINTE Premier film en couleur d’Agnès Varda, Le Bonheur fit scandale lors de sa sortie en 1965 et fut interdit aux moins de 18 ans. Il remporte le prix Louis Delluc et ramène du Festival de Berlin l’Ours d’argent. Deux œuvres de Mozart accompagne Le Bonheur . Un choix qu’Agnès Varda justifia en déclarant avoir voulu représenter une certaine idée du bonheur, comme la musique séduisante de Mozart qui pourtant pince le cœur . Un jeu de piste ludique et jubilatoire au goût aigre-doux. Au casting, la famille Drouot (Jean-Claude, Claire, Olivier, Sandrine) et l’exquise Marie-France Boyer. LES RACINES D’AGNÈS Avec Les Créatures (1966), Agnès Varda offre un drame fantastique opposant Michel Piccoli, Catherine Deneuve et une multitude de sources d’inspiration qu’elle s’évertue tout de go à combiner avec talent pour filmer son histoire. Quarante ans plus tard, la cinéaste, devenue artiste visuelle (terme qu’elle préférait à plasticienne), présente une installation, la Cabane du cinéma (initialement nommée La cabane de l’échec , en référence à la sortie du film), à partir de pellicules du tournage des Créatures, dans un effort d’épaissir leur présence dans son œuvre cinématographique. L'installation fait une subtile apparition dans le documentaire Les Plages d'Agnès (2008). Si on ouvrait des gens, on trouverait des paysages. Si on m'ouvrait moi, on trouverait des plages , raconte Agnès Varda dans la première partie du film autobiographique, en médecin légiste imaginaire. Le scalpel qu’elle manie avec talent nous fait découvrir ses thèmes de prédilection, la mer, ses rivages et la confrontation de l’image fixe avec l’image mobile. Pour ce long métrage tourné entre août 2006 et juin 2008, Agnès redécouvre sa maison natale d’Ixelles et recrée à Sète la maison flottante familiale. Elle arpente la plage de la Corniche et de Noirmoutier, celles de la Belgique natale, Knokke-le-Zoute et La Panne, jusqu’à Los Angeles. Poussant le bouchon plus loin, elle alla jusqu’à créer chez elle, rue Daguerre, une Daguerre-Plage entre sa maison de production Ciné-Tamaris et la salle de montage, déversant 6 bennes de sable fin sur le bitume. Après le générique de fin, dans l’esprit Attendez, ne partez pas ! Agnès ajouta une scène non prévue : on y voit son équipe lui fêter ses 80 ans. Une séquence montée avec quelques plans volés aux copains et avec leurs photos , confiait l’éternelle glaneuse. FESTIVAL AGNÈS VARDA – 3e ÉDITION DU 19 AU 22 SEPT. 2024 EXPO PHOTOS de 14h à 19h Traverse des Pêcheurs de la Pointe Courte
par Jean-Renaud Cuaz 29 août, 2024
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par Jean-Renaud Cuaz 27 août, 2024
ALAIN ROLLAT, UN TRUBLION DU QUOTIDIEN Le Monde a été autrefois le journal de bord de ce chroniqueur au long cours. Abreuvant les nobles colonnes de brèves ses premières années, le jeune Rollat se fera bientôt un nom de journaliste politique par des billets parfois décalés, toujours bien sentis. Ses origines rurales, recherchées par le quotidien pour trancher avec les salonniers parisiens courant les mondanités, ont sans doute heurté les hordes de hauts fonctionnaires abonnés à ces lectures feutrées, dans d’obscurs bureaux haussmanniens. Que d’autres feuillettent de manière oblique pour connaître leurs ennemis. Il approchera les plus grands de la politique, les plus machiavéliques, les plus controversés. Allant jusqu’à se fendre de quelques biographies sans s’éloigner de son pré carré. Dans les pages du journal de la rue des Italiens , fondé à l’ombre du pouvoir au lendemain de la guerre par un directeur parachuté par l’Élysée, l’élite parisienne trouve rapidement ses repères. Quand Rollat arrive, c’est un quotidien du soir épaissi qui a gagné son indépendance entre deux perfusions pour ne pas couler avec ses rotatives, comme d’autres journaux. Pourquoi chercher outre-Atlantique un modèle jamais démenti de rigueur et de qualité, le New York Times pour ne pas le titrer, quand ici on a sous la main — noircie de proses sirupeuses à vous ouvrir les veines — de quoi refaire le Monde tous les 10 ans. Pour notre petit bonheur, Alain Rollat s’est lâché en anecdotes fumantes, sur l’avant et l’après 1981, la montée du Front National là où la gauche régnait en maîtresse absolue. Car seul le FN faisait rêver , nous dit-il, les dents serrées… Maigre consolation, son village, aux dernières élections a résisté à la vague brune. Sans doute le fief des derniers non-rêveurs… Dommage qu’aucun journaliste de notre PQR ne soit présent ce matin au bar du Plateau. Nos pisse-coquilles auraient eu l’oreille attentive pour un ancien confrère qui, ne sachant quoi relater en plein Mondial 1998, osa interviewer un ballon de football pour un billet à rendre le lendemain matin 7h30. Mémoires du Centre du Monde Alain Rollat Cap Bear Éditions Mars 2024 - 260 pages - 18 €
par Jean-Renaud Cuaz 27 août, 2024
LA MÉMOIRE EN CHEMIN Elle forge et grave notre identité collective à coups de désastres humanitaires à n’en plus finir. Des conflits jusqu’aux portes de l’Europe impriment cette mémoire au cas où nous serions en manque de commémoration. Une consolation, jetée en pitance, nous fera dire que si la Belgique n’avait pas été envahie dès les premiers jours, la Wehrmarcht n’aurait pas poussé la famille Varda à quitter son plat pays. Pour venir s’échouer à Sète et nous offrir Agnès, petit bout de femme devenue icône de la Nouvelle vague et de la Pointe Courte. Et si Elvira Brassens n’avait perdu son premier mari fauché dans les tranchées de la Der des Ders, elle n’aurait pas épousé en seconde noce Louis Brassens. Et n’aurait pas enfanté le poète turlupin que nous vénérons. Nous n’allons certes pas crier vive la guerre… Ce serait incongru pour ce chemin de mémoire. Un éphémère témoignage, le temps de supplanter celui créé au fil des ans par des plaques de rue et de quai aux noms de résistants. Jean-Marie Barrat, François Maillol, Maurice Tarbouriech… On aimerait ajouter sous ce mot Résistant, imprimé sous leur nom, quelques images ou quelques mots. Résistant fait un peu court. Pour Louis Roustan, fauché dans sa jeune vie, qui donna son nom à un foyer de cette Pointe courte, non pour avoir jeté à l’eau des jouteurs mais pour avoir refusé qu’on lui impose une mémoire nazie.
par Jean-Renaud Cuaz 26 juil., 2024
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par Laurent Cachard 29 juin, 2024
André Cervera 62 ans, toujours partant pour voir là-bas s’il y est. Heureusement que cet amateur de Tintin a échappé à un Didi frappé du Rajaijah Juice dans une échoppe de Shanghai, sinon il aurait trouvé et Lao-Tseu et sa vérité, mais perdu la tête, et nous n’aurions pas profité de l’œuvre atypique et évolutive d’un homme plus que quiconque déterminé par les phénomènes qu’une vie réserve, quand on y prend garde. Ainsi suffit-il, parfois, quand on naît à Sète, d’être du quartier des 4 ponts, au plus près des navigateurs — Quai de la République — pour plonger dans le bain tout de suite, et sans jeu de mots. Gamins, dit-il, ils entraient dans le Port , se baignaient dans le Canal, sur la plage du Kursaal — il ne découvrira qu’à 13 ans la plage à la Corniche — regardaient avec envie les destinations de ces navires, Dakar, Valparaiso ( Pom pom pom pom pom, Pom pom pom pom pom ! ), les grues, les troncs énormes à la circonférence trois fois plus grande qu’eux . Eux, ils, c’est, dans le désordre, Éric Delort, Théo Villegas, Mustapha Cheik, Mohammed Saïd, Gilles Bresson, les frères Deltour, les Ferrera… Il en oublie forcément mais se souvient de cette identité de quartier, des familles, d’une maman qui emmenait tous les minots pour la journée. Des fêtes de ces mêmes quartiers, les bagarres qui allaient avec. D’une identité multiple, entre Espagnols, Catalans, Italiens, Marocains, Portugais… qui lui donnèrent très vite le goût de l’autre et de l’ailleurs, à ce fils de Républicain espagnol arrivé en 1939. Invalide, mais donnant toujours le coup de main, ici et là, et dans l’épicerie que tenait sa Maman, rue Fondère. Il est le dernier de sept enfants, aura connu quatre déménagements dans la même zone, dans ce qu’on appelait alors le Petit Chicago voire, pour la rue de Tunis elle-même, la rue de l’égorgeoir . Une zone aux 25 bars —  du genre assommoir ou à hôtesses  —  l’Escale, le Crabe, l’Eldorado … Il était petit mais s’en souvient parfaitement, comme il se souvient de ses écoles — Lakanal et Victor Hugo, de son lycée Joliot-Curie — de son Bac en sciences économiques, d’une année aux Beaux-Arts de Sète, deux à Marseille d’où ils — avec Aldo Biascamano —  ils sont remerciés pour avoir fait les cons, vraisemblablement. C’est le plus beau cadeau qu’ils aient pu leur faire , selon lui. Il en aura gardé l’enseignement de Max Charvolen, oscille entre Paris et Sète, où une histoire d’amour le ramène, tâtonne et voit une première galerie parisienne s’intéresser à lui. On est au tout début des 90’s et s’il en garde un souvenir mitigé, il sait que ce début de reconnaissance lui ouvre les portes de l’ailleurs. Fuir. Là-bas, fuir : un peu de Mallarmé, ça colle bien au personnage, sans excès de métaphysique : au Sénégal, où il se prend son premier vrai choc culturel, ça ne pardonnerait pas. La réalité des destinations qu’il voyait enfant l’attrape au cœur, les récits des aînés, les films de Jean Rouch — de Au Pays des mages noirs jusqu’à Cocorico, Monsieur Poulet  — prennent corps. L'animisme, le chamanisme — la médiation entre êtres humains et forces spirituelles (esprits de la nature, âmes des animaux sauvages, ancêtres…), psychopompes auprès des divinités — l’interpellent et ne le quitteront plus. À peine rentré, Hervé Di Rosa, un de ses grands-frères , qui a déjà exposé à Sarajevo, le parraine — avec l’association Équilibres — pour aller en résidence à Pakracs, sur le lieu originel du conflit serbo-croate, là où cohabitaient, encore, juste avant, des Serbes, des Croates et des Monténégrins. Il arrive dans des villes décharnées —  aucun son, aucun oiseau, une lourdeur permanente  — offre un triptyque à la ville ( Hier / Aujourd’hui / Demain ). On est en 1994, en février, un obus de mortier sur un marché de Sarajevo a fait 68 morts, on massacrera bientôt du Tutsi à la machette, ailleurs, mais lui, André, célèbre la paix avec des artistes (français et croates), sait qu’il lui faudra parcourir le monde pour savoir qui il est. Depuis 30 ans, l’adage ne s’est pas démenti : les voyages forment la jeunesse , et ça n’est pas un sexagénaire qui vous reçoit dans son bel atelier — l’ancienne demeure d’un vigneron, avec chais, tonneaux et pressoir d’époque — de Poussan, mais un encore jeune homme filiforme, au débit saccadé, qui énumère les destinations qu’il a connues : l’Afrique sub-saharienne, l’Inde à plusieurs occasions, la Chine, entre Pékin, Shanghai — dans le hutong , où il voit les petits métiers (barbiers, cireurs…) disparaître et l’État faire illusion  — mais surtout dans les campagnes où, entre les Dong et les Miao, après 40 h de train, 10 h de taxi-brousse et 4 h de marche, il assiste à des cérémonies animistes, s’initie à la culture des masques qu’on retrouve partout dans ses œuvres. En tout, il aura passé 5 ans au Pays du Soleil levant, sans doute y retournera-il. Avec Léo, son fils de 30 ans, qu’il a emmené avec lui à Pondicherry vivre pendant six mois quand il n’en avait que 12, avec qui ils se sont retrouvés à Kolkata — vieille promesse paternelle — quand il en a eu 25 et qui vit maintenant, lui aussi, une existence de voyageur. Un vrai, toujours sur la base de projets , d’intégration d’artistes locaux : pour ça, il faut des moyens, taper aux portes, se démener . Accepter de partir séance tenante, parfois, avec Crystel, sa femme et leur fils. Sa chance, il l’a provoquée , et son œuvre, c’est une combinaison des influences qu’il a rencontrées. Entre toiles, performances ou usage du papier —  le vrai, de là où on l’a inventé  — il dessine, assimile les références et les restitue dans un imaginaire structuré dans sa construction, libre dans l’interprétation. Des tissus de différentes époques et civilisations se croiseront sans qu’on se demande si ça a du sens, puisque ça en a un, universel : les vêtements brochés, les paternes, les motifs mythologiques qu’il recycle n’ont qu’une fonction, dire l’état du monde, soi face son état , plus exactement, mettre du Beau là où il en manque. Sa cuisine personnelle de peintre-voyageur va vers ça, la métaphore d’un monde qui se transforme , la catharsis nécessaire pour se dépasser et, volontairement, être dépassé par ce qu’on crée. Faire le pas de côté nécessaire à la spontanéité face au protocole. En 2003, il a réinventé le voyage immobile  — plus Neruda que Giono, pour le coup — en générant un Mexique imaginaire, inspiré par la fête des Morts et les films qui l’ont marqué, ¡ Que viva México ! long-métrage inachevé de Sergueï Eisenstein, Los olvidados , de Luis Buñuel, dont Octavio Paz écrivit que le poids de la réalité qu'il nous montre est si atroce qu'il finit par paraître impossible, insupportable. Et c'est ainsi : la réalité est insupportable ; et pour cette raison, parce qu'il ne le supporte pas, l'homme tue et meurt, aime et crée . Il s’est créé son Mexique, André Cervera, est prêt à y aller, maintenant, quand il sera temps, si la folie des hommes le permet et si Claudia Sheinbaum reste en vie suffisamment longtemps… Sinon, il enterre des toiles — montées sur châssis, disposées horizontalement — soumises aux éléments de la nature, à la merci du vent et du vivant . Sa façon d’envisager, quand il les déterre ( archéologue de lui-même , écrit joliment Pierre Tilman, à ce propos) quelle marque la nature aura laissée sur l’art(ifice). Histoire d’enterrer avec toute marque de prétention, puisque rien ne résiste à rien si l’on considère la cicatrice du temps . Comment représenter le temps, l’arrêter un instant (perdu ou retrouvé), c’est ce qui meut n’importe quel artiste. On n’en avait encore jamais vu un confronter son œuvre à sa propre destruction, puis la retravailler à partir des outrages subis. On ne s’étonne pas de son succès, on s’en réjouit même, parce qu’il n’a pas présidé à son travail. Quand il revient à Sète, AC, il trouve la ville transformée mais ne peut que se réjouir des nouvelles arrivées, des nouvelles énergies : c’est dans sa continuité , souffle-t-il, un œil sur le gamin qui rêvait dans le port. Il cite Geneviève Breerette, une critique d’art installée récemment dans l’île singulière, son copain Tony Truant, s’amuse des têtes de c… qui veulent Sète mais pas les Sétois comme des Sétois qui veulent Sète pour eux tout seuls. N’a plus trop de lieux cultes mais se réjouit, toujours, de revoir le théâtre de la Mer, le Barbu. Et ne manquerait pour rien au monde, sauf à être à son autre bout, une édition de la St-Louis. Minot, encore, il se levait aux aurores pour être bien placé dans la tribune d’en face. Là, il est à la tribune officielle, en a fait l’affiche il y a quelques années. Il est le premier à sourire d’une telle réussite sociale, mais dans sa ville, ça a du sens, là aussi. Il sait que chez les Sétois plus qu’ailleurs, il y a les casaniers et les globe-trotters, ça dépend de la nature de chacun . Lui est parti si souvent qu’il ne peut que se réjouir de revenir et constater que certaines choses, au moins, n’ont pas bougé d’un iota. C’est la logique de la tintaine : la seule qui soit inexplicable en soi . LC
par Jean-Renaud Cuaz 27 juin, 2024
LES RENDEZ-VOUS CULTURELS MÉRIDIONAUX Rencontrer, voir, lire, écouter et ne rien rater dans les semaines à venir
par Laurent Cachard 13 mai, 2024
Delphine Le Sausse 49 ans, Übermensch d’une confondante normalité. Elle sera la dernière — avec Simon Caselli — à porter la flamme olympique à son entrée dans la ville de Sète, et Delphine Le Sausse sait à quoi elle doit ce privilège : à son irrépressible désir d’aller plus vite, plus haut, plus fort , la devise — vidée de sa valeur métaphysique — des JO depuis ceux de Paris, en 1924. Cent ans plus tard, sûr qu’elle aura une pensée forte pour son grand-père maternel, Raphaël Scialo, le prof de sport du lycée Paul Valéry qui, le jour de sa retraite, a monté et descendu les marches sur les mains ! Sa fille, Mireille, a suivi son Bernard dans l’arrière-pays niçois, à Lantosque : il suffit de dire qu’il y tenait une pharmacie pour déterminer les deux atavismes de la vie de Delphine, laquelle se montre brillante quand il s’agit de démarrer une scolarité à Sète, puisque le couple y a élu domicile au moment où il a fallu se rapprocher du grandpère, désormais veuf. Elle fait les écoles Langevin puis St-Joseph, met un point d’honneur à ramener à l’aïeul les meilleures notes en sport . Il lui répond, inlassablement, oui, mais tu as eu combien, en maths , et elle jubile, parce qu’elle excelle, aussi. Ses parents refusent le sport-études en 6e — ça n’est pas un métier, sportif — elle obtient un Bac scientifique avec un an d’avance et si Mme Monterro la rêve en Maths Sup / Maths Spé, elle oscille (pas longtemps) entre l’UREPS et pharma’, choisit la seconde option et fait bien : elle sera la plus jeune Thésée de France, sans vaincre de Minotaure mais en oeuvrant sur le Botrops Lanceloatus , ce serpent mortel de la Martinique, où elle a passé six mois. Ça sera un peu tout pour l’insouciance — si on ose dire — parce que l’apothicaire du 1, rue Henri Barbusse est malade et décède brutalement quand elle a 23 ans. Elle se retrouve, quand ses copains de Montpellier font des remplacements dans des officines exotiques à reprendre la boutique , avec des fournisseurs qui ne suivent pas, des clients qui ne veulent pas qu’une jeunette les prenne en charge. Elle aurait préféré ne pas avoir de pharmacie et garder son père , doit gérer le rapport à sa mère qui, bien que sans diplôme, a su gardé des parts dans l’affaire, trouve (encore) à s’échapper en faisant du sport, beaucoup de sport. Avec une prédilection pour le ski. À Font-Romeu, où la famille a un pied-à-terre. Elle se débrouille (euphémisme) — la meilleure de ceux qui n’ont pas fait Sport-Études — veut passer le Brevet d’État de moniteur de ski, comme son compagnon de l’époque. Elle s’en souvient, c’était l’année de l’affaire Cantat (ou Trintignant, c’est selon) et quelque chose aurait dû lui mettre la puce à l’oreille. Cet homme, dont elle est amoureuse, est pervers, narcissique, la pousse à se mettre en danger là où elle, toujours, craint qu’il ne se fasse mal. Des amis l’ont avertie, elle a du mal à cacher les marques qu’il lui laisse lors de ses accès de colère, mais ce jour-là, en hors-piste, elle va prendre une mauvaise décision, pour lui montrer qu’il avait tort . Elle va y aller, tout droit entre les rochers, se faire mal, sans doute , il comprendra. Las, on n’anticipe jamais la phénoménologie et certaines directions prises, en un millième de seconde, déterminent tout ce qui va suivre, une vie entière, parfois. Ses deux skis se sont arrêtés net, elle a une vertèbre éclatée, la moëlle épinière touchée. Les secours sont longs et difficiles, le diagnostic tarde, elle est hélitreuillée à Perpignan, ramenée en rééducation à Montpellier, où elle aperçoit une enseigne : Propara Clinique , spécialisée pour les paraplégiques. Vous ne remarcherez pas , lui diton. Elle se prend une grosse claque , refuse les visites au centre, dans un premier temps, passe un mois sans bouger, voit sa vie se déliter , l’autre venir lui reprocher de ne pas avoir fait attention. C’est vrai, elle a tout, un bon métier, elle est jolie, elle a plein d’amis etc . Dont des pharmaciens qui vont l’aider — aux commandes, à la caisse — le temps de son indisponibilité. Les mots des clients laissés sur un grand cahier l’aident à reprendre confiance — son talon d’Achille, par fait contrepoids de sa réussite — elle se bat, chez le kiné tous les jours, reprend en fauteuil, puis en béquilles, déteste qu’on la voie comme une handicapée. Un dernier accès de lucidité la pousse à se défaire — plainte à l’appui — de son âme damnée. Elle ne peut plus revenir en arrière , à 28 ans, donc va de l’avant : ce pourrait être une devise shadock, mais c’est comme ça qu’elle se reconstruit, Delphine. Redébute , avec l’infantilisation qui va avec, va nager, réapprend à skier en fauteuil jusqu’à l’Équipe de France paralympique, en 2010. C’est le regard de l’autre qui définit le handicap, parce que la logique de l’émulation et de la performance est la même, qu’on soit valide ou pas. Ce qui ne veut rien dire, de surcroît, parce qu’un sportif invalide sera toujours plus résistant et performant qu’un valide qui ne teste pas ses limites. Il y aurait quelque chose à creuser, psychanalytiquement, chez cette jeune femme remarquable qui va chercher des astres noirs pour se mettre en danger : la perte de ses (re)pères, le besoin d’affection . L’idée, saugrenue, que personne ne voudra d’elle , même si elle a tout. Une dépréciation permanente, que n’aide pas l’idée qu’elle ne pourra plus, maintenant, aller courir, ou servir les verres à la Ola, chez son ami Claude Herzog. Mais les épreuves ont ceci de fondateur qu’elles aident à accepter des paliers. Elle aura d’autres histoires compliquées, jusqu’à ce qu’apparaisse David Guérin, dans sa vie. Lui n’est pas d’ici — c'est un Montpelliérain exilé au Puy — ils se complètent parce qu’elle ne s’est jamais vraiment remise du départ de son inséparable copine de classe, Caroline Skalli, avec qui elle partageait tant, au-dessus de la Butte ronde, qu’elle en a laissé passer les autres. C’est difficile de s’intégrer à Sète , lâche-t-elle, elle qui y est arrivée à… deux ans et demi. Mais qui n’a ni jouteur, ni pêcheur, ni mareyeur dans sa famille. Elle aime sa ville — qui s’embellit, mais grossit trop — elle a, comme elle, du caractère, une histoire particulière, de ruptures et de continuité : après tout, même après l’accident — le Συμβεβηκός*, en philosophie ce qui appartient à une substance de façon non nécessaire, qui n’existe pas par soi — elle a la fierté de (quasiment) tout faire comme avant. Le même métier, le même sport. Elle a les mêmes amis, sans doute soulagés de l’avoir vue renaître, même avec des béquilles. C’est Rose, née en 2015, qui l’a aidée à accepter le fauteuil, quand elle en a besoin. Élue municipale — pour un mandat, seulement ! — elle ne se souvient pas avoir brillé au stationnement et à la circulation, mais n’a pas lâché le morceau quant à l’accessibilité. Elle n’était déjà plus au conseil quand François Commeinhes l’a invitée à inaugurer l’ascenseur en lui glissant : c’est grâce à vous . Le comité olympique doit décider de l’ordre de passage des porteurs de la flamme, mais il est quasiment acquis qu’elle sera la dernière à la mener dans l’île singulière. Comme un juste retour des choses. Pas de revanche sur le sort, puisque celuici n’a (jamais) rien volé ; mais sur une sélection qu’elle aurait pu (dû ?) connaître à Vancouver, en 2010, si elle avait été plus avertie des conditions de lobbying entourant les choix des fédérations. 4 ans d’entrainement pour finir à la roulette russe , très peu pour elle, alors elle s’éclate, en ski nautique — 16 fois championne du monde quand même ! — ou sur les pistes, figures libres ou imposées. Va voir Rose s’illustrer dans des compétitions de skate-board : les histoires familiales, même chaotiques, sont faites de redites et de recommencements. Elle évolue sur certaines choses , prend conscience de celles qu’elle ne pourra pas faire. Mais c’est le lot de chacun de renoncer (un peu) au fur et à mesure que l’âge avance. Elle atteindra la cinquantaine l’année prochaine, a passé la moitié de sa vie dans la pharmacie — même si l’époque flaubertienne des notables a disparu — mais ne s’est jamais ennuyée, et pour cause : elle a plus vécu que si elle avait mille ans. Et ne manquera pas de se lancer de nouveaux défis, puisqu’il est acquis, en sport comme dans la vie, que c’est toujours en envisageant le plus loin qu’on arrive à avancer. Elle ne fera pas le Mont-Blanc comme Jean-Yves le Meur, dont Faux-Pas (Glénat, 2007) raconte comment il a gravi le sommet, béquilles aux poings, appuyé sur une seule prothèse. Mais elle ne le fera pas parce qu’elle ne juge pas nécessaire de le faire ; sinon, elle s’y attèlerait et, au vu du pourcentage de ce qu’elle a réussi dans sa vie — et de ce qu’elle a raté — y parviendrait sans nul doute. Une fois qu’on sait ce que donne de mal appréhender la chute , on fait ce qu’il faut pour l’éviter. Tomber sept fois pour se relever huit, disent les Japonais. Ça tombe bien, elle en est à Sète. Pile. LC *symbebèkos
par Jean-Renaud Cuaz 29 sept., 2023
« Je remonte le long de la chaîne de ma vie, je la trouve attachée par ces anneaux de fer qui sont scellés dans la pierre de nos quais. L’autre bout est dans mon cœur. » Paul Valéry Il est des villes attrayantes que l’on porte à jamais dans son âme dès la première incursion. Un sentiment d’attirance et d’affinité vous gagne, le charme opère à cœur ouvert. Il faut alors avouer que ce trouble instinctif est quelque chose de bien malin et subtil. Ces courtoises citadelles trouvent dès lors le moyen le plus urbain de se rendre maîtresses de leurs assiégeants, assurées de leur victoire. Celui qui leur résiste, celle qui met des obstacles à leurs efforts, sont de ceux d’ordinaire qui ressentent le plus violemment cet élan. Tant et si bien que ces bienveillants bastions s’enivreront de leurs conquêtes, qu’elles soient saisonnières ou sédentaires. Prenez Sète. L’île singulière est de celles-là, jouant de son pourtour maritime et lagunaire, de ses canaux et de son mont clairien comme le ferait une sirène de son galbe et de sa croupe. Son port chaloupé, quant à lui, finira d’affrioler les derniers récalcitrants qui avoueront, vaincus, l’avoir chevillé au corps. Les crève-cœurs pourtant s’accumulent. Des ressacs d’amertume qui font l’écume et le sel de la vie sétoise. Vous y séjournez, radieux ou fâcheux, peu importe. Vous ne la quitterez plus. Le sort en est jeté… Sur un tapis passablement élimé et toujours moins vert, déplore une sourde complainte. Et si vous la quittez, une ferveur indicible vous y fera revenir. La loi irrécusable de la gravitation, d’une attraction par les sens, les sentiments, et le cœur. Par les sens avant tout. Et le toucher d’abord. Arrivés par une mobilité plus ou moins douceâtre, vous posez le pied sur son pavé, un pied distrait voire insolent. Et voilà que votre semelle ne peut plus s’en arracher. Des pavés pourtant scabreux entre lesquels, le long des quais, suintaient avant les huiles solaires le vin et la sueur des portefaix… Souvenirs d’une épopée cettoise. Ici les poignées de main, bien que franches et honnêtes, laissent le plus souvent place aux trois joues, pas une de moins, bécotées à la venvole ou langoureusement, qu’elles soient pomponnées ou mal rasées. Un rituel épidermique qu’une pandémie des plus opiniâtres avait mis un temps sous le coude. Par le regard ensuite. Qu’une lumière unique, limpide et pénétrante éveille puis enflamme. Elle se joue du reflet sur l’onde des barquasses broutant les quais. Des toitures tranquilles et des façades aux mille nuances. Des rues tentaculaires agrippées aux flancs d’une montagnette en sursis. Un chatoiement solaire fusionne toutes ces aspérités en une mosaïque quasi parfaite, une harmonie radieuse. Un soleil perpétuel, célébré par une horde d’artistes et de poètes, sa garde rapprochée, transforme la pierre en jade, l’eau en émeraude, le pont en aventure. Une beauté intrinSète diront les promoteurs en cravate marinière, en mal de raccourcis sur papier glacé. Car, avouons-le, on s’acclimate sans mal à cette ivresse kaléidoscopique, qui devient vitement addiction. Et si l’on s’en échappe, alors on languira bien plus encore que l’on s’était délecté de ses charmes. Mais que seraient les pupilles sans les papilles ? Et donc par le goût et l’odorat. La saveur et l’arôme des fruits de ses deux jardins potagers, maritime et lagunaire. Et de sa pomme de terre argentée , le poisson bleu dans lequel, comme le cochon, tout est bon, de la tête à l’arête, en passant par le foie. Depuis 350 ans, les cordons bleu marine le subliment simplement. Quelques recettes matrimoniales révèlent leur substantifique moelle dès la première bouchée, issues d’un Quartier de moins en moins Haut ou d’une Pointe de plus en plus Courte. Ce patrimoine plus palpable et charnel qu’immatériel, ce sont nos humbles cathédrales que l’on visite religieusement, l’eau à la bouche béante, en évitant soigneusement d’insipides fac-similés. Par l’oreille enfin. Entre deux commérages, où l’art de la harangue le dispute vertement à celui de tailler de fieffées croupières, dans un sabir sétois aux mille facettes et à nul autre dépareillé. L’art d’être gueulard tout en étant taiseux. Entendre parler de caramel , ce n’est que rarement pour célébrer cette confiserie ou cet agent colorant, sans lequel les colas et limonades seraient incolores. C’est, à Sète, une apostrophe aux vertus identiques. Une douce injure qui colore singulièrement la causerie. La plupart des expressions locales ne sont en fait que ponctuations verbales, à peine plus bavardes qu’une onomatopée, que font naître toutes sortes de face-à-faciès. De la plus légère galéjade entre Sétois ou aux dépens d’un villégiateur, jusqu’aux irruptions épidermiques quand ils pleurent leur colline déversant, tel un volcan au-dessus d’eux, un magma de béton, une lave froide comme un arrêté municipal, submergeant la moindre parcelle verte que doivent fuir effarouchés écureuils, palombes et autochtones. Jusque sous nos belles places publiques, provoquant déferlantes d’invectives, de roumégaïres et de rouspétaïres . Couvertes seulement par une pléthore d’intermittentes kermesses balnéaires. Ces discordances pyrophoriques finiront alors d’ensorceler des sens mis à l’épreuve. Sète ne l’ignore pas. Elle tripatouille nos sens en chef saucier, à coup de cuiller dans un sens, puis dans l’autre. Un chichois , cet embrouillamini dont l’unique propos serait d’arrimer et assujettir en un tournemain quiconque l’aidera à atteindre ses ambitions. Pourquoi s’accrocher alors à ce cordon de terre et y prêter allégeance si l’on n’en éprouvait que rancœurs et désillusions ? On l’ignore, mais qu’importe. Ce qu’on sait bien, c’est que Sète a cela de bon, quels que soient ses édiles, qu’on ne lui garde point rancune. Elle restera ce lopin saugrenu auquel il sera beaucoup pardonné, parce qu’il s’est fait beaucoup aimer. Si bien que, comme nous l’a avoué le bon maître académicien, songeant qu’une lourde amarre nous y rive, en dépit des maux soufferts et des espérances déçues, nous cherchons à cette fatalité mystérieuse quelque rude et implacable raison, et nous n’en trouvons qu’une, aimable et douce, et qui explique tout depuis 350 ans : l’attachement.
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